Alexis ?...

Alexis...

Je n'ai pas revu Marien depuis que je suis rentrée.
Passée en bas de la rue des Douves ce matin avec la manif, j'ai regardé en haut, tristesse soudaine, et puis, on continue à piétiner le pavé. Il ne pleuvait pas, cette fois. Pas d'excuse pour avoir les yeux mouillés... mais ils étaient secs. Pourtant, le regard qui s'abaisse, alors, les pensées qui s'assombrissent. On regarde le bout de ses chaussures au lieu de regarder le ciel.
Et puis, des mains qui vous relèvent la tête... "regarde devant ! La tête haute !... c'est mieux... :)"... Les mains d'Alexis. Sourire...
Alexis sait très bien à quoi je pense, les yeux baissés, juste après la rue des Douves.
Alexis sait très bien que je pense à Marien.
Esther lui a dit d'attendre un peu, de ne pas se précipiter, qu'il faut que je prenne le temps d'oublier Marien, avant.
Je crois qu'elle a bien fait. S'il m'avait pris la main, là bas, à Bruxelles, coupés du monde, loin, très loin, là ou Marien n'existe plus... je lui aurai tout donné. Je crois.
Et le blues du retour vers Quimper, du retour vers Marien, il se le serait pris en pleine figure une fois rentrés.
Et ça, je ne veux pas.
Non, je ne veux pas. Pas Alexis.

...
J'aimerais bien que Marien sorte avec une autre.
J'aurais mal, si ça arrivait.
Mais justement, maintenant, c'est la seule chose qui puisse arriver qui puisse me faire encore mal, la dernière, vous comprenez. Une fois que ce sera passé, il n'y aura plus rien, tout sera fini, fini, vraiment fini.
La page sera tournée pour de bon, une fois les dernières larmes ravalées.
Je veux tourner la page.

N'essaie pas de me suivre, déserte mes rivages, loin de toi je veux vivre de plus beaux paysages...

Oui, je l'ai déjà dit, je veux être heureuse.
Je crois que j'aurais pu être heureuse avec toi, tu sais, si seulement tu avais voulu de ce que j'avais à te donner.
Mais tu n'en voulais pas. Tu n'en voulais pas, tu avais fait d'autres choix que celui-là, et je les respecte.
Mais si tu n'en veux pas, je crois que d'autres en voudrons... Je sais que d'autres en voudrons...
J'ai de l'amour à donner. J'en ai tellement reçu... je dois en faire profiter d'autres.
J'en ai presque besoin, je crois. Et besoin d'en recevoir. Donner et recevoir. Toujours.
Je suis une solitaire, c'est vrai, une solitaire un peu mélancolique, j'ai ce côté là...
Mais je déteste la solitude. Elle ne doit être là que par instants, instants de tête à tête avec soi-même.
Et la mélancolie... Hugo disait, "le bonheur d'être triste".
On n'est mélancolique que si la tristesse nous porte, nous fait un manteau, et si on est heureux avec.
Je veux être heureuse.
Et donner ce que j'ai à donner...

Je ne suis pas de ceux qui chassent la lumière, et qui vivent heureux un éternel hiver...
Non. Je ne suis pas pessimiste et dépressive, juste mélancolique.
Je ne veux pas m'enfermer dans le malheur. Je veux la lueur au bout du tunel.
Vivre, c'est chercher le bonheur.
Pas se laisser sombrer.
Pas se complaire dans l'obscurité.
Je ne suis pas comme ça.
Pas comme toi...

Alors...

J'ai trop longtemps vécu dans des pauvres ruelles, trop longtemps attendu un petit arc-en-ciel...
J'ai besoin de soleil et d'horizons moins gris, je veux voir les merveilles que près de toi j'oublie...


Alexis.
Parlé avec lui hier soir. Beaucoup discuté. Rarement autant discuté avec quelqu'un. Rarement autant apprécié de discuter avec quelqu'un. Mieux qu'avec Thomas. Beaucoup mieux. Tellement différent. Peut-être moins d'accord sur tout, mais, justement... ce n'est pas ce qu'on recherche.
C'est un peu... écouter ce que l'aute a à dire... découvrir ce qu'il a à dire...
Découvrir qui il est...
Découvrir...
Apprendre... à... connaître...
Ah...

"...Deux. Face à face. Parler. Parler. Se découvrir. Mais petit à petit. Petit à petit. Toujours. Pas peur. Juste envie de se découvrir. Être patients. Juste envie de se découvrir. De prendre le temps. Simplement. Le temps d'être deux.
Rien de mieux. Mieux que tout. Mieux qu'une guitare. Mieux que la musique. Mieux que tout.

Quelqu'un. Une personne, une seule. Qui a priorité sur les autres. Priorité réciproque. Mais qui ne veut pas dire "tout". Qui veut juste dire "point de repère".

Parce que plus on est entouré, plus on est seul.
Plus il y a de gens autour, plus les relations risquent de rester superficielles.
On ne peut pas avoir beaucoup d'amis.
On a beaucoup de "potes", mais les amis sont rares.
Ce sont ceux qu'on a pris le temps de connaître.
Et qui font partie de notre vie.
Parce qu'on leur a donné de notre temps. A eux avant les autres.
Avant les autres...
Parce qu'apprendre à connaître quelqu'un, c'est un vrai travail.
On ne peut pas se consacrer à ce point à plusieurs personnes à la fois.
Ou alors, on ne les connaîtra jamais..."

Alexis...
Bonheur de parler... Mots gentils... Pardon... Merci...
Et qui vous prépare gentiment des spaghettis...
Qui écoute et qui répond, et puis qui parle aussi...
On se laisse porter...
Tranquillement...
L'envie qui démange de dire... de dire... peut-être...
Ou alors... juste... prendre la main...

Je t'aime.
Et ça ne veut pas dire "je veux vivre avec toi", ni "je ne peux pas me passer de toi", ni une connerie comme ça.
Ce n'est ni un drame, ni ma vie entière, ni mon plus grand bonheur, ni ma plus grande souffrance, ni une raison de mourir, ni une raison de vivre.
Et ce n'est pas non plus quelque chose d'insignifiant, simple envie de câlins qui prend de temps en temps.
Ce n'est ni tout ni rien.
Nan, ça veut juste dire : j'ai envie de te connaître.
Oué, c'est ça... ça veut dire : j'ai envie qu'on prenne le temps d'apprendre à se connaître. Et que ça fasse un peu partie de nos vies. Lorsque découvrir l'autre devient l'un de nos projets.
Apprendre à se connaître.
C'est ça. Je t'aime.

...Peut-être ?...

L'envie...
Ah ! L'envie...!
...